vendredi 21 février 2014

Marché minier mondial: la part du dragon

Marché minier mondial
La part du dragon

Lors du dernier atelier d’information sur les perspectives du secteur minier dans le monde organisé par Ubifrance (agence française pour le développement international des entreprises www.ubifrance.fr), Christian Hocquard, de la direction des géoressources du BRGM a présenté un panorama du secteur. Ses éclaircissements ont notamment permis de mieux comprendre les grands enjeux de la prochaine décennie.


Pour le représentant du BRGM, aujourd'hui, c'est une évidence, l'enjeu peut se résumer dans cette proposition : "la Chine face au reste du monde". La croissance de la demande en matières premières est due à la Chine qui devient très dépendante des matières premières. Le pays se trouve actuellement dans une deuxième grande phase d'urbanisation et d'industrialisation, non plus cette fois sur la côte mais dans les grandes villes de l'intérieur du pays.
La Chine consommera bientôt quasiment la moitié de l'ensemble des matières premières consommées dans le monde. Pour le minerai de fer la barre est déjà dépassée avec près de 66 % et c'est même 72 % pour le ciment. La demande est considérable et le pays tire à lui seul la croissance de la demande mondiale. Les cours sont montés à leur plus haut historique, tout cela très rapidement. Toutefois, cette hausse brutale est aussi due à la financiarisation des matières premières minérales avec des fonds d'investissement qui ont considéré les commodités comme une nouvelle classe d'actifs… jusqu'à l'effondrement des cours lors de la crise de septembre 2008. Le ralentissement chinois est l'un des points clés bien qu'il faille relativiser. Certes, la Chine connait un certain ralentissement de sa demande en matières premières mais cela n'empêche pas cette demande d'être toujours significativement en hausse.
Mais bien plus que le ralentissement chinois, ce qui a conduit à cette baisse des cours des matières premières (un peu moins pour le cuivre) est le fait que les sociétés minières et les multinationales ont considérablement investi dans de nouveaux projets mis aujourd'hui en production alors que, pour la quasi-totalité des matières premières, on est en période de surplus avec des surcapacités notables et des stocks importants. Ce sont essentiellement ces surcapacités qui tirent aujourd'hui les cours à la baisse.
Alors, malgré la reprise cyclique actuelle comme c'est le cas aux États-Unis, on peut s'attendre à ce que les prix des matières premières minérales stagnent probablement au moins jusqu'en 2016 à l'exception de certaines substances pour des raisons conjoncturelles. Mais c'est surtout le cours du minerai de fer, avec les nouvelles capacités mises en œuvre notamment en Australie et au Brésil, qui risque de chuter de manière sensible. Que va-t-il se passer lorsque le cours du minerai de fer sera autour de 100 dollars par tonne ? D'importants bouleversements sont à prévoir du côté des projets d'exploitation de minerais de fer africains.
Aujourd'hui, avec ce ralentissement et les surplus, les sociétés minières reconsidèrent l'ensemble de leurs projets miniers. La remise en cause va très loin et c'est un coup très brutal.
Face à cela, ce que veut faire la Chine, c'est contrôler les marchés. Elle veut ainsi avoir ses propres places de marchés. Elles sont en constitution et commencent à fonctionner dans le pays. Ceci ira de pair avec la convertibilité du Yuan de telle sorte que demain, en 2020 ou même avant, les prix des matières premières se décideront en Chine.
Quoiqu'il en soit, avec le départ massif des fonds d'investissement du secteur des matières premières minérales, on assiste à un retour à des fondamentaux cycliques de l'offre-demande-stocks pour la formation des prix. Suite à l'arrêt massif des investissements miniers des majors occidentales, les sociétés minières et métallurgiques chinoises et indiennes demeurent les seuls investisseurs potentiels. Le secteur minier va ainsi se développer autour de ressources de plus en plus politisées avec des prix de plus en plus proches des planchers dictés par les coûts de production les plus performants. Finalement, l'arrêt massif des investissements prépare le prochain déséquilibre offre-demande pour 2020, voire la seconde moitié de cette décennie.

Éric Massy-Delhotel


NB – Un article plus détaillé sera publié dans un prochain numéro du magazine Mines & Carrières édité par la Société de l'industrie minérale (Sim) www.lasim.org

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