mardi 9 décembre 2014

Musée de la mine : Couriot dans son jus

À Saint-Étienne, les responsables du Parc-musée de la mine Couriot ne s'imaginent absolument pas sur le Strip de Las Vegas. Ici, malgré les nouveaux aménagements, pas de toc ripoliné donnant la fausse apparence du vrai. On réaménage en respectant la mémoire et la poussière des anciens pour expliquer la fabuleuse histoire industrielle et minière du bassin.

Loin du Strip de Las Vegas… et pourtant c'est chouette une mine la nuit ! [Photo Pierre Grasset]
Détaillant ce qui a changé à Couriot, Philippe Peyre, directeur du "Parc-musée de la mine" (nom officiel) explique que son équipe n'a pas voulu faire ici un parcours de golf tout propret mais sans âme : "Il fallait des éléments de compréhension, d'explication et d'émotion". D'où les trois grands nouveaux espaces d'exposition. L'un consacré à la figure du mineur, le suivant consacré à l'aventure industrielle de Couriot et un troisième qui fait le lien entre l'activité minière et le territoire stéphanois. En cette veille de Sainte-Barbe (fête des mineurs), on inaugurait donc ce "Nouveau Couriot".

Un abandon profitable

Mathilde Lourmet [Photo EMD]
Mais avant de revenir sur les nouveaux éléments du site… et aussi sur les anciens, Mathilde Lourmet, chef de projet du Parc-musée donne quelques clés pour mieux comprendre ce qui fait l'originalité du lieu. En effet, le site est resté abandonné relativement longtemps. C'est paradoxalement une chance puisque de nombreux espaces sont ainsi restés "dans leur jus". Il a dès lors été possible de redécouvrir ces lieux avec plus de recul et une meilleure approche. De nouvelles études ont ainsi commencé au début du siècle. En effet, si le musée de la mine proprement dit a été ouvert en 1991, avec notamment une reconstitution souterraine de l'exploitation du fond, le reste du site avait été quelque peu laissé à l'abandon par la ville, accueillant même une décharge sauvage, voire un campement de gens du voyage en bas du "plâtre" (le carreau en langage stéphanois). "Le musée se trouvait isolé et on était face à un espace qui n'était pas du tout approprié" constate M. Lourmet.
Ces études entamées dans les années 2000 avaient donc pour objectif de rattacher le musée à la ville tout en conservant ce qui fait son charme et sa force, c'est-à-dire qu'il ne fallait pas non plus que la ville l'envahisse. Un marché de définition était alors lancé et c'est finalement le cabinet Gautier+Conquet qui devait être désigné en 2010 avec un projet assez simple qui visait à associer ce lieu d'équipement culturel avec tout ce qui se situait alentour. Ainsi, le parc et le musée fonctionnent comme un seul ensemble, ce qui n'était pas véritablement perçu au départ. Enfin, M. Lourmet précise que le maître d'ouvrage avait insisté dès le départ sur une intervention délicate et réversible qui ne modifie pas profondément l'existant. Il fallait ainsi pouvoir développer des usages contemporains tout en conservant l'émotion qui se dégage du site.

Une ville marquée

Philippe Peyre [Photo EMD]
Ph. Peyre fait remarquer de son côté que la ville est très fortement marquée par cette aventure minière qui a duré un peu plus de six siècles. Mis en service fin 1919 par la société des Mines de la Loire, le puits Couriot a longtemps été le puits le plus puissant du bassin. Ces installations occupaient plusieurs dizaines d’hectares à Couriot et à ses abords. À la fin des années 1930, le puits remontait 900 000 tonnes de charbon par an, soit le quart de la production du bassin, et employait plus de 1 000 mineurs. En sommeil à partir de 1965 avec la concentration de l'extraction sur le puits Pigeot à La Ricamarie, au sud-ouest, Couriot fermait définitivement en 1973, dix ans avant la fermeture totale du bassin.
Depuis, le chevalement et ses deux "crassiers" (terrils), les premiers en France à être classés au titre des Monuments historiques, dominent la ville, juste au-delà du boulevard urbain et de la ligne de chemin de fer vers Le Puy, entourés d’un vaste espace dorénavant dégagé où abondent les traces de la mine où la végétation a, pour partie, repris ses droits.
Le directeur du parc-musée n'hésite pas à affirmer que le territoire stéphanois a été l'un des bastions du grand développement industriel français. Tout cela s'est déroulé dans un contexte dominé d'un côté par la proximité de Lyon, espace marchand européen par excellence et de l'autre par l'affirmation de l'État-Nation en France aux 18e et 19e siècles, tout cela dans un pays faiblement doté en charbon et dont les principaux bassins étaient dangereusement situés près des frontières du Nord et de l'Est. Cette situation va favoriser le gisement stéphanois en outre situé sur la ligne de partage des eaux, entre Atlantique et Méditerranée. La région stéphanoise va ainsi devenir une grande base arrière de développement industriel et militaire quasiment jusqu'aux années cinquante.
Le site de Couriot présente quant à lui une proximité remarquable avec la ville, se trouvant à sept minutes à pied de la place de l'Hôtel de Ville. C'est aussi un jeune musée, né en 1991 autour d'une galerie minière reconstituée… Jeune comparé au musée d'Art et d'Industrie de St-Etienne qui remonte au 19e siècle ! Le musée Couriot est né quant à lui bien sûr de la fermeture de la mine, de son effacement,… mais aussi de l'initiative du maire communiste de l'époque (1977-1983), Joseph Sanguedolce. Pour la ville, ce moment était important car le territoire subissait alors d'importants chocs en raison de la transformation industrielle du pays dans les années quatre-vingt avec la fermeture de la mine certes mais aussi la fin de Manufrance, de Creusot-Loire,… "Mais c'est aussi un territoire qui a su rebondir et qui, au travers du design, est en train d'affirmer son renouvellement tout en ayant envie aussi d'affirmer sa singularité comme il l'avait fait au travers de l'aventure industrielle et minière" insiste Ph. Peyre.

Une équipe en immersion

Le musée de la mine proprement dit a été ouvert en 1991,
avec notamment une reconstitution de l'exploitation du fond
[Photo Éric Massy-Delhotel]
Désignée en 2010 à l’issue d’une procédure de marché de définition, la maîtrise d’œuvre est composée d’une équipe pluridisciplinaire dont le mandataire est l’agence d’architecture et d’urbanisme Gautier+Conquet (Dominique Gautier et Pascal Hendier), associés au paysagiste Michel Corajoud (Prix André Le Nôtre, grand prix national du paysage et de l’urbanisme), aux architectes du patrimoine Archipat (Laurent Volay) et aux muséographes de Scene. Récompensé par le trophée EDF Rhône-Alpes du Patrimoine Rhônalpin cette année, la mise en lumière du chevalement est l’œuvre de Cobalt. La signalétique et le graphisme ont été conçus par les designers stéphanois de l’Atelier Cahen&Gregori (+ P-N Bernard).
Pour Dominique Gautier, architecte, cela constitue une très belle aventure partagée par toute une équipe : "Nous nous sommes ainsi immergés dans un monde inconnu pour nous". Pour ce dernier, cette approche des mineurs et du monde souterrain s'est accompagnée de beaucoup d'émotion et aussi de beaucoup de passion. Il a commencé en 2009 un véritable travail de coproduction avec les services de la ville et les équipes du musée. Ils ont visité d'autres sites pour mieux comprendre ce qu'il convenait (ou pas) de faire. Les architectes du patrimoine sont en outre intervenus puisque, au même moment, l'ensemble du site était classé patrimoine historique. Bref, un véritable travail d'équipe au sens noble.
Dominique Gautier [Photo EMD]
Pour cet architecte, c'est un projet urbain qui a pris corps et pas seulement un musée. L'existant était déjà important et il a fait en sorte de recadrer le site, d'en avoir une vision globale à une échelle beaucoup plus large afin de produire une sorte de plan-guide à l'usage de ceux qui allaient y travailler : "Nous sommes sur un site qui couvre pratiquement 50 hectares, qui est relié de multiples manières aux quartiers et à la ville. Nous nous sommes donc interrogés sur la place des bâtiments existants dans l'avenir de ce site ainsi que sur l'interaction avec les infrastructures qui structurent l'environnement".
Chez Gautier+Conquet, on a eu aussi la volonté de voir émerger, autour des bâtiments existants, un parc urbain contemporain dessiné par Michel Corajoud. Pour les bâtiments, ces derniers se sont un instant posé la question de savoir s'il fallait ajouter des bâtiments contemporains. L'hypothèse n'a pas été retenue et c'est l'utilisation de l'existant qui a été privilégiée. Ainsi, les modules d'exposition se sont glissés dans les bâtiments, sortes de boîtes en bois autonomes qui permettent la conservation optimale des œuvres présentées. De même, la parti a été pris d'héberger l'ensemble des bureaux du personnel administratif dans ce qui était autrefois les bureaux des employés et ingénieurs de Couriot. Ont également été ouverts au public des bâtiments qui ne l'étaient pas mais en les laissant pratiquement dans leur jus, tels qu'ils ont été abandonnés dans les années soixante-dix.
Laurent Volay, architecte (Archipat), confirme cette volonté : "Le principe qui a été retenu est celui de garder l'aspect de témoignage des bâtiments tout en y incluant la muséographie contemporaine". L'objectif n'était pas de "restaurer" au sens habituel des monuments historiques mais de s'assurer d'une bonne restitution de la mémoire de l'activité industrielle que les bâtiments ont en eux. "Il y a donc une volonté d'avoir une expression architecturale la plus sobre possible pour laisser toute la place au patrimoine, qui est l'élément majeur, tout en assurant la sécurité du public" conclut L. Volay.

Glisser dans l'existant

Les modules d'exposition se sont glissés dans les bâtiments
existants,sortes de boîtes en bois autonomes
[Photo Éric Massy-Delhotel]
Alors, en dehors du parc, en quoi consistent les nouveaux aménagements ? Toutes les installations nécessaires à l’accueil du public et au développement des espaces d’exposition ont été glissées discrètement dans les espaces existants. Les deux nouveaux espaces majeurs d’exposition permanente, La grande aventure de Couriot et Six siècles d’aventure houillère, ont été aménagés dans l’ancienne grande chaufferie restée depuis longtemps sans machinerie. Des galeries en bois massif sombre et sobres y ont été simplement posées au sol, par respect des lieux, et abritent collections et dispositifs scénographiques dans les conditions climatiques adéquats.
La lumière vient des vitrines et des lutrins. Leurs dimensions et celle du grand audiovisuel, qui s’étire sur 20 mètres de long, se veulent le reflet de la puissance de la mine. La construction du parcours a été en permanence attentive à la qualité des lieux et aux points de vue qu’offre Couriot sur la ville. L’aménagement de la plate-forme haute qui conduit aux deux nouvelles salles patrimoniales profite de points de vue sur le chevalement et les collines environnantes. Le revêtement sombre des sols extérieurs accompagnent l’architecture des bâtiments mais aussi le vert de la végétation.
Placée dans la première lampisterie, la partie de l’exposition permanente consacrée à La figure du Mineur joue pour sa part d’une autre manière avec l’héritage. Ouverte sur la grande cour, elle donne à voir simultanément le Monument aux morts et aux victimes du devoir qui en occupe le centre, et l’allégorie du monde industriel qui se lève que constitue la reproduction du grand tableau de Jean-Paul Laurens, Les mineurs.

Encore des projets

Et pour demain ? Assurer le dialogue entre la vie contemporaine et l’emblème que constitue Couriot passe nécessairement par l’amélioration de son accès depuis la ville. Précédé d’un parvis prolongeant un espace urbain à requalifier, une passerelle desservant le parc et l’entrée du musée est à l’étude. Le parc attend également de nouveaux aménagements afin de le rendre plus accessible à pieds ou à bicyclette.
Demeure enfin la question de l’accès aux deux terrils. Les deux "mamelles" de Saint-Étienne sont aujourd’hui interdites d’accès en raison de la combustion spontanée des charbons résiduels qui persiste de nos jours. Une découverte guidée et sécurisée est cependant envisagée pour compléter l’ensemble singulier que constitue déjà le Parc-musée de la mine.
Enfin, la nouvelle mise en lumière quotidienne du puits qui a été récompensée par le trophée EDF Patrimoine Rhônalpin cet automne permettra dans l’avenir, grâce à un dispositif programmable, de passer des commandes artistiques.
Pour Couriot, l'aventure continue !

Éric Massy-Delhotel


vendredi 19 septembre 2014

Quarry party chez JCB

Le constructeur britannique JCB a organisé un grand show de présentation de ses nouveautés sur ses terres. Compte-rendu des principales attractions remarquées à cette occasion. Des détails complémentaires seront également publiés dans les revues "Mines & Carrières" et "Recyclage & Valorisation" éditées par la Société de l'industrie minérale (Sim). www.lasim.org

La carrière de Kevin, près de Rocester, centre d'essai et de
démonstration du constructeur [Photo ÉMD]
[Rocester, le 17 septembre 2014] Dans le monde des engins de chantier, on pourrait dire que le constructeur britannique JCB conserve toujours le charme du cottage raffiné face à la rusticité du ranch texan. C'est encore l'impression que l'on retire après la grande party organisée mi-septembre du côté de Rocester par l'entreprise familiale de Lord Bamford pour présenter les nouveautés de la marque. Bref, avec une météo exceptionnellement clémente pour la région, voici un résumé de ce qui a été offert à la curiosité des journalistes spécialisés.

Fauteuil Club

Tout d'abord, du côté des chargeuses sur pneus, c'est une nouvelle cabine dite "Command Plus" qui équipe la nouvelle mouture de la 457. Cette chargeuse est désormais animée par un moteur MTU Tier 4 Final de 7,7 l de cylindrée développant 258 ch. (193 kW), contre 250 ch. (186 kW) sur le modèle précédent, et ce en dépit d'une cylindrée plus faible. L'engin est équipé en standard d'un godet de 3,5 m3.
Mais c'est surtout la nouvelle cabine qui avait les honneurs de la présentation. C'est le premier modèle de la marque à recevoir cet équipement, sorte de cerise sur le pudding. La structure ROPS a été entièrement repensée. L'intérieur est particulièrement spacieux avec des surfaces vitrées généreuses. En effet, le chauffage, la ventilation et la clim ont été repositionnés en dehors de la structure principale pour gagner de la place. On trouve également des systèmes de réglage de la position de conduite sophistiqués qui interviennent tant au niveau des pédales que de la colonne de direction ajustable et des commandes hydrauliques montées sur un siège qui, en option, peut bénéficier d'une sellerie en cuir.
Le "silence" qui règne au volant de la 457
est véritablement remarquable [Photo ÉMD]
Tout cela est très cosy et très pratique "mais ce n'est pas fini" comme dit la publicité puisque l'on remarque dans le poste de conduite deux écrans LCD couleur, un premier sur la console centrale et un deuxième sur le montant de droite. Ce deuxième écran permet d'accéder aux menus d'exploitation de la chargeuse et contrôle la caméra de recul du véhicule. Enfin, le confort acoustique a été particulièrement soigné puisque le niveau sonore intérieur est donné à 67 dB(A). Pour avoir essayé la machine sur la carrière Kevin qui sert de site d'essai à JCB, on peut dire que le "silence" qui règne à son volant est véritablement remarquable.
Le constructeur indique par ailleurs que les petits modèles de sa gamme vont progressivement adopter cette nouvelle conception (environnement de l'opérateur amélioré, accès simplifié aux zones d'entretien régulier et niveaux de confort et de contrôle renforcés) au cours des prochains mois, à mesure que ces modèles évolueront vers des normes antipollution Tier 4 Final.

Chercher midi à 10 tonnes

Là, c'était une véritable nouveauté puisque la machine n'arrivera en France que dans le courant de la fin de l'année. On a ainsi pu assister au lancement, dans la gamme des pelles "midi", d'une machine de 10 tonnes de classe "C" (rayon arrière conventionnel). Selon le constructeur, cette montée en poids répond à une demande croissante des clients tant au Royaume-Uni, qu'en France et en Allemagne, voire aux États-Unis. En effet, pourquoi choisir une pelle midi de 10 tonnes et pas un modèle conventionnel de même niveau ? En fait, la conception déport pied de flèche de ce nouveau modèle offre un attrait supplémentaire pour l'utilisateur par rapport à une pelle sur chenilles de 13 tonnes traditionnelle, en particulier au niveau de l'accès aux sites confinés.
Cette pelle midi de 10 tonnes est une réponse à une
demande croissante des clients tant au Royaume-Uni,
qu'en France et en Allemagne, voire aux États-Unis
[Photo JCB]
La JCB 100C-1, c'est son nom, partage le même design que les nouvelles midi de la marque avec notamment un châssis inférieur en H entièrement repensé, de robustes capots en acier, un environnement opérateur relativement spacieux et un moteur Tier 4 Final offrant un meilleur rendement énergétique. C'est un diesel JCB fabriqué par Kohler qui développe 74 ch. (55 kW). On trouve également un distributeur hydraulique Bosch Rexroth et des moteurs d'orientation et de translation Nachi.
Avec un poids opérationnel de 9,5 t, la 100C-1 a la même largeur et la même hauteur à la cabine que la plus "petite" 86C-1, mais son déport arrière dépasse de 450 mm (soit 90 mm de plus que la 86C-1). En réalité, c'est sa forme qui permet d’accueillir un moteur plus puissant et une pompe hydraulique de plus grande capacité, ce qui signifie que la force d'arrachement au godet atteint 72,4 kN et celle du balancier, 42,3 kN.
Grâce à son ensemble flèche et balancier plus long, la nouvelle pelle offre une profondeur de fouille maxi de 4 628 mm, une hauteur de déversement de 5 603 mm et une portée au sol de 7 475 mm. Elle est également équipée d’un circuit hydraulique à réduction de pertes de charge breveté. Le pied de flèche, avec des paliers largement espacés, devrait bien garantir contre l'usure prématurée si l'on ajoute en plus des bagues bronze graphitées nécessitant un graissage toutes les 500 heures seulement. Par ailleurs, l’ensemble flèche balancier dispose de fixations de flexibles hydrauliques individuelles qui facilitent l'entretien et le remplacement. Deux circuits auxiliaires sont disponibles permettant aux opérateurs de programmer des paramètres de débit hydraulique individuels pour les équipements à partir du moniteur en cabine, de manière à changer rapidement et facilement les équipements commandés, tels que les marteaux-piqueurs et les grappins.
Et toujours le petit plus de JCB en matière de confort de l'opérateur… home sweet home ! La cabine développée en interne offre ainsi plus d'espace et de visibilité que les midi précédentes. Grâce à un nouveau système de climatisation, la cabine bénéficie d'une bien meilleure circulation de l'air pour un plus grand confort de l'opérateur et un désembuage rapide du pare-brise en hiver.

C'est du lourd

Pelle de 30 tonnes, la JS300 succède à la JS290
[Photo ÉMD]
Il y avait aussi des nouveautés dans les bonnes grosses pelles lors de la présentation dans la carrière de Kevin. Par exemple, dans la catégorie des 30 tonnes, la toute nouvelle JS300, qui remplace désormais la JS290. L'engin est animé par un moteur Isuzu de six cylindres de 216 ch. (161 kW) Tier 4 Intérim qui entraîne un double circuit hydraulique avec pompe à débit variable, commandé par le sélecteur de mode de travail JCB Smart Control. Ce dernier adapte automatiquement le mode de travail à mesure que l'on augmente le régime moteur. Associé à un ventilateur de refroidissement automatique avec entraînement hydraulique, ce système économise jusqu'à 5 % de carburant tout en réduisant aussi les émissions d'échappement.
Lorsqu'elle est équipée d'un balancier de 2,5 m et d'une flèche monobloc standard de 6,2 m, la pelle atteint une force de cavage au godet de 253,6 kN et une force de levage de 173,1 kN. La pelle bénéficie en outre d'une nouvelle géométrie de biellette qui accroît la profondeur de fouille (paroi verticale).
La nouvelle structure de la cabine optimise l'insonorisation et renforce la rigidité. Combinée au ventilateur de refroidissement automatique, cette structure réduit les niveaux de bruit intérieurs jusqu'à 70 dB(A). Côté confort, on reste dans la philosophie JCB avec un nouveau siège haut de gamme, un écran LCD couleur multifonctions de 7” facile à lire dans toutes les conditions d'éclairage et un dispositif de commutation remodelé pour commander la machine encore plus facilement.
La sélection des divers modes de puissance s'effectue plus aisément via une seule commande rotative intelligente. Au fur et à mesure de la rotation du sélecteur, le régime moteur augmente dans les quatre plages de puissances prédéfinies L à H+. La plage de puissances élevées est destinée à fournir la puissance requise pour les activités de terrassement intensives tandis que la plage Heavy Plus optimise le rendement de la pompe et du moteur. Pour utiliser la plage de puissances Heavy Plus, l'opérateur doit sélectionner un bouton + à côté du sélecteur rotatif, ce qui empêche toute activation accidentelle de celle-ci. Une fonction Power Boost est automatiquement proposée en mode L, tandis qu'elle ne peut être sélectionnée que manuellement dans les autres plages de puissances.
En outre, avec le système télématique LiveLink du constructeur, les gestionnaires et les propriétaires de flotte peuvent accéder à distance aux données d'exploitation et à la consommation de carburant de la machine.

À la niche

La 5CXWM pour les environnements difficiles
de traitement des déchets [Photo JCB]
JCB est surtout connu dans le grand public au travers de ses chargeuses-pelleteuses qui ont fait sa réputation. Or, ce n'est un secret pour personne, le marché de ce type d'engin est devenu "mature", comme on dit pudiquement, depuis belle lurette. Cela laisse entendre qu'ici le marché n'est pas des plus prometteurs mais cela ne signifie pas qu'il n'y a pas des "niches" pour entretenir l'espoir. Le traitement des déchets et le recyclage sont de ces niches que JCB soigne particulièrement avec sa gamme spécialisée Wastemaster (WM).
C'est donc dans cette gamme qu'on trouve désormais une chargeuse-pelleteuse 5CXWM, un modèle sur mesure pour les environnements difficiles de traitement des déchets. Grâce à sa capacité à utiliser une gamme complète d'équipements spécialisés, elle devient une machine idéale pour les centres de recyclage des ordures ménagères, les centres de transfert et les installations de tri, broyage ou mise en balles. Sa capacité à assurer diverses tâches élimine la nécessité d'utiliser d'autres machines telles qu'un chariot élévateur ou un transpalette, ce qui accroît encore davantage les économies.
Le nouveau modèle possède des stabilisateurs arrière plus longs et un châssis avant ou une benne multifonction avec un grappin sur la partie supérieure, équipés tous deux de stabilisateurs hydrauliques. Cette combinaison permet de surélever la machine et offre ainsi une visibilité exceptionnelle sur une benne ou un broyeur lors du compactage ou du chargement des matériaux avec une pince de tri, un godet à mâchoire ou un rouleau de compactage dédié.
D'autres équipements sont disponibles comme une pince de tri pour manipuler ou trier les déchets, des grappins à balles pour le chargement de balles ainsi qu'une balayeuse avec bac de ramassage pour l'entretien et le nettoyage des chantiers. Un cadre de levage à crochet pour la manutention des conteneurs et des bennes complète ce couteau suisse.
La gamme de godets spécifiques disponibles en option permet de réaliser de nombreuses tâches de retraitement de déchets. Du côté chargeur, les utilisateurs ont le choix entre une benne à grand volume, 6 en 1 ou une benne à grappin, en fonction de l'application et de la nature de la charge. Du côté pelle, un godet à mâchoire hydraulique, une pince de tri ou un grappin mécanique offrent de grandes capacités de manutention.
Le tout est animé par un moteur JCB EcoMAX de 109 ch. (81 kW) combiné au système Advanced EasyControl et à la transmission Powershift à 4 vitesses avec verrouillage du convertisseur de couple. La machine atteint une portée maximale de 7,10 mètres du côté pelle et ses commandes montées sur le siège de type pelle facilitent les opérations. Un modèle richement doté… selon la tradition des chargeuses-pelleteuses de la marque.

Au courant

Un groupe électrogène astucieux dans l'air du temps
[Photo ÉMD]
On le sait (ou on devrait le savoir), JCB est aussi un constructeur de groupes électrogènes. Et là aussi il y avait de la nouveauté en cette mi-septembre avec un modèle "hybride" dénommé Intelli-Hybrid. En effet, alors que les groupes électrogènes sont conçus pour répondre aux pics de charge d'une application, les sites hors réseau doivent souvent faire face à des besoins en énergie qui varient considérablement au cours de la journée, ce qui implique une utilisation peu efficace du groupe et une consommation de carburant excessive.
L'Intelli-Hybrid possède ainsi une série de cellules de batterie haute capacité à décharge poussée qui sont stockées dans la base de l'unité. Ces batteries sont chargées par le groupe électrogène pendant les périodes de charge élevée, lorsque le moteur tourne à sa puissance maximale. Pendant les périodes de faible charge, le moteur peut être arrêté tandis que les batteries continuent à fournir l'alimentation, ce qui accroît l'efficacité d'une manière similaire au système "start and stop" de certaines automobiles, tout en réduisant la consommation de carburant et les émissions.
En règle générale, un groupe électrogène de 100 kVA sur un chantier consomme jusqu'à 120 litres de carburant par jour en fonctionnant en faible charge, ce qui génère 340 kg de CO2. En arrêtant le moteur pendant 10 heures sur une période de 24 heures pour exploiter l'énergie de la batterie, il est possible d'économiser jusqu'à 40 litres de carburant par jour, tout en atteignant une diminution similaire du niveau d'émission. En outre, pendant que le groupe électrogène est alimenté par la batterie, généralement pendant la nuit, il ne fait pas de bruit, ce qui constitue une solution idéale en ville et en zone urbanisée. La diminution du nombre d'heures de fonctionnement du moteur va de pair avec un allongement de la période de service normale, ce qui réduit les frais d'entretien et le coût d'exploitation.
L'unité de base du groupe électrogène, alimentée par des moteurs JCB, renferme 24 cellules de batterie connectées à un variateur haute puissance. Ce variateur convertit l'énergie stockée à l'intérieur des batteries en tension secteur de 230 V 50 Hz ou 220 V 60 Hz. Les batteries sont chargées par trois chargeurs internes, mais peuvent aussi être chargées à l'aide d'une tension secteur via une prise d'entrée séparée pour une charge et un conditionnement à moindre coût. Les groupes électrogènes peuvent aussi être équipés de moteurs conformes au niveau d'émission IIIA pour le secteur de la location en Europe et peuvent être dotés d'une sortie 60 Hz le cas échéant.
Le système de batterie a également été installé en prévoyant l'intégration éventuelle ultérieure de sources d'énergie renouvelables telles que le vent et le soleil. Cela permettra de réduire davantage encore le coût d'exploitation des groupes électrogènes dès que ces autres sources d'énergie deviendront disponibles plus rapidement. Les batteries au gel étanches ne nécessitent pas d'entretien régulier et intègrent des ventilateurs de refroidissement qui minimisent l'accumulation de chaleur pendant la charge.

Et encore…

Cette présentation est loin d'être exhaustive puisque, lors de cette manifestation, de nouveaux modèles de chargeuses compactes, de pelles sur pneus et autres engins étaient mis en avant. Elle se limite ici, on l'aura compris, aux machines pouvant relativement intéresser le monde de l'industrie extractive ou celui du traitement des déchets.

Éric Massy-Delhotel

jeudi 4 septembre 2014

Pneus recyclés: changement de direction

On l'avait senti un peu las, le 22 mai dernier lors de l'anniversaire officiel des dix ans d'Aliapur. De fait, Éric Fabiew, le directeur général de l'organisme, se montrait peu optimiste face à la volonté de certains, au niveau gouvernemental, de placer la filière de recyclage des pneumatiques usagés sous agrément au 1er janvier 2020. Et cela n'a pas manqué, le 3 juillet, les députés votaient l'article 49 bis du projet de Loi sur l'économie sociale et solidaire qui confirmait cette "mise sous tutelle" d'une filière pour une fois sans problèmes majeurs. Les guerres de religion, on le sait, reposent largement sur le dogmatisme et font à coup sûr des ravages. On peut donc s'attendre à pas mal de dégâts dans le secteur.
Est-ce la raison (ou une des raisons) qui a précipité le mouvement ? Quoiqu'il en soit, un communiqué officiel annonçait le 3 septembre que le directeur général quitterait ses fonctions au début de l'année prochaine et serait remplacé par Hervé Domas. Ce dernier a rejoint l’entreprise le 1er septembre et succédera donc à Éric Fabiew qui achèvera ainsi une carrière de près de cinq décennies, dont la dernière a été consacrée à inventer, créer et développer la filière de valorisation des pneus usagés. Une période dont chacun pourra témoigner que ce ne fut pas une "promenade de santé" pour le dynamique et bouillant dirigeant.
Hervé Domas (à g.) et Éric Fabiew
Quant à Hervé Domas, quinquagénaire, jurassien d’origine et lyonnais depuis une quinzaine d’années, il est diplômé de l’École supérieure de Commerce de Clermont-Ferrand. En 1989, il entre dans le groupe Keolis (transport). "Il y a une similitude de philosophies entre le transport de voyageurs et l’activité d’Aliapur, note Hervé Domas : ce sont des entreprises privées qui assurent parfaitement des missions d’intérêt général. Le cap des dix ans d’existence que vient de passer la filière montre que tout est possible avec de la constance, de la ténacité et de la persévérance. Je suis heureux de rejoindre une équipe dont les membres viennent initialement d’horizons très divers mais qui partagent les valeurs d’effort et d’unité insufflées par Eric Fabiew".

Effectivement, pour Hervé Domas, qui prendra pleinement ses nouvelles fonctions courant janvier, tout est possible et il devra faire preuve d'une bonne résistance à l'usure.

lundi 30 juin 2014

Drones en carrière, start-up & take-off

Une toquade à la mode pour réalisateur de télévision en mal d'inspiration ? Pas que. Les drones font une apparition de plus en plus remarquée dans le monde industriel et aujourd'hui dans celui des carrières. La récente alliance entre Redbird, une start-up du vol télépiloté, et le vénérable groupe Monnoyeur laisse augurer des développements intéressants.


En mai dernier, Redbird, une start-up du drone civil à usage industriel et agricole, et le groupe Monnoyeur concluaient un accord. Celui-ci comprend en particulier une prise de participation en capital du groupe dans la jeune entreprise et vise à déployer une offre globale de services par drone pour la construction, les travaux Publics, et l’industrie minérale, notamment pour le suivi et l’optimisation des chantiers. Pour mieux faire connaissance avec des techniques et des services qui provoquent une petite révolution dans le monde de l'industrie extractive notamment, les deux partenaires avaient organisé en juin une envolée démonstrative au-dessus des terres de la SMBP au sud de Chartres.

Prendre de la hauteur

Emmanuel de Maistre, Redbird
Christian Laye, ses enfants et petits-enfants ont le calcaire de Beauce qui coule dans leurs veines depuis leur naissance. La SMBP l'exploite ici depuis 1978. La carrière produit annuellement 1,2 millions de tonnes essentiellement pour les marchés de la région parisienne et cette affaire familiale réalise un chiffre d'affaires de 25 millions d'euros avec 4 millions d'euros de fonds propres. Le PDG n'est pas peu fier d'ailleurs de sa dernière réalisation, une imposante installation qui traite chaque jour 1000 tonnes boues de lavage. Un investissement de quelque 6 millions d'euros sur lequel on reviendra plus tard.
Mais parfois, pour mieux gérer la terre, il faut prendre un peu de hauteur. C'est ainsi que l'arrivée dans le monde civil de ces petites machines volantes que sont les drones a donné des idées à une nouvelle génération d'entrepreneurs.
Comme l'explique Emmanuel de Maistre, co-fondateur et président de Redbird, son entreprise a été créée il y a un peu plus d'un an et demi. Cette "compagnie aérienne de drones civils" ainsi que l'indique son intitulé, se veut avant tout un fournisseur de services au travers de toutes les possibilités qu'offre sa flotte de machines à voilures fixe ou tournante (ailes ou rotors).
Les liens privilégiés qui se sont établis avec le groupe Monnoyeur devraient permettre à la start-up de s'affirmer dans ce secteur qui connait actuellement une expansion fulgurante. E. de Maistre fait d'ailleurs remarquer qu'il existe aujourd'hui plus de 650 sociétés présentes sur ce marché mais dont la très grande majorité (95 %) s'adresse au monde des médias et de l'audiovisuel.
Redbird opère ainsi une flotte complète d'"aéronefs télépilotés", autrement dit des drones. Ceux-ci sont équipés de capteurs destinés à modéliser et analyser l'environnement de travail direct des engins pour optimiser la production et assurer une sécurité optimale. Benjamin Hugonet, directeur commercial de Redbird, fait tout d'abord remarquer que, en matière d'acquisition de données géospatiales, la productivité du drone est très supérieure à une mesure depuis le sol (par exemple 120 points par mètre carré contre 5 environ). Les mesures réalisées en carrière touchent de nombreux domaines tant de la production que de la sécurité comme le suivi de front de taille, les cubatures, la caractérisation des pistes et leur érosion, les hauteurs de merlons,…
De fait, les drones réalisent le travail d'un géomètre ou d'un topographe de manière plus rapide, plus précise et plus sûre en limitant l'intervention humaine sur des sites parfois dangereux.

Tout est dans la mesure

Grégoire Arranz, Sitech, avec Ph. Monnoyeur (de dos)
On imagine donc toutes les possibilités qui s'offrent à l'exploitant de carrière ou de mine qui va pouvoir combiner données fournies par les matériels, par les drones… avec ses logiciels d'exploitation. D'ailleurs, Grégoire Arranz, le directeur général de Sitech (filiale de Bergerat Monnoyeur) qui commercialise du matériel topographique, de guidage d’engins et de gestion de flotte de machines, l'a bien compris. Le développement d'un partenariat avec Redbird dans ce domaine de l'acquisition de données et des systèmes d'information géographique arrive justement à point pour développer une activité de service complémentaire. En effet, l'équation économique a changé notamment dans le secteur des engins pour les mines et carrières où elle est de moins en moins liée au coût d'achat qui ne représente plus que 31 % alors que le carburant intervient pour 30 %, l'opérateur pour 24 % et la maintenance pour 15 %.
Il faut donc pouvoir fournir à l'entreprise cliente une partie de la solution en diminuant les coûts de production, en améliorant la sécurité et en diminuant l'impact carbone. La méthodologie de l'exploitant pourrait aujourd'hui se définir par cet acronyme anglo-saxon : DMAIC (pour define, mesure, analyze, improve, control). Et c'est dans le domaine de la mesure qu'une entreprise comme Redbird peut intervenir pour assurer à l'exploitant un fonctionnement pérenne de son matériel notamment en optimisant les éléments qui interagissent entre son site et son matériel. Cela peut même aller, grâce aux données recueillies, jusqu'à démontrer à ce client qu'une bonne méthode d'exploitation lui permettrait d'économiser l'emploi d'un tombereau sur son cycle de production !

Convaincre

Benjamin Hugonet, Redbird
Enfin, Philippe Monnoyeur, le nouveau directeur général de Bergerat Monnoyeur France, rappelait que si le groupe Monnoyeur a aujourd'hui 110 ans, son activité tournée essentiellement vers la distribution de biens d'équipement, la location et l'énergie lui permet de prétendre à une éternelle jeunesse comme le prouve cette coopération dans les drones. Le groupe est présent en France, bien sûr, mais aussi en Belgique, en Pologne, en Croatie, en Roumanie et en Algérie. Il réalise un chiffre d'affaires de 1,5 milliards d'euros dont 40 % à l'étranger. Il est à noter que l'activité de l'entité Bergerat Monnoyeur représente à elle seule 71 % de ce chiffre d'affaires.
Alors cette association avec Redbird symbolise la volonté du groupe d'être à la recherche d’opportunités de développement au travers notamment de solutions innovantes permettant d'améliorer la productivité de sa clientèle. Redbird est l'exemple type d'une start-up qui propose des solutions avec des technologies totalement originales dans le domaine de l'acquisition de données dans un environnement de production.
Reste à convaincre les carriers. Christian Laye, lors de la démonstration, avait le sourire… mais on le sait dur en affaires !


Éric Massy-Delhotel

lundi 16 juin 2014

Déchets du BTP: Yprema envoie les artisans dans l'espace

Chez Yprema, le "small is beautiful" redevient très tendance. L'artisan et sa camionnette de déchets de chantier, de plus en plus banni des déchèteries communales, retrouve un exutoire pour ses produits souillés dans une déchèterie professionnelle, un "espace artisan" puisque tel est le vocable adopté par l'entreprise de Claude Prigent.

Certains s'en souviennent peut-être, Yprema, le spécialiste breton mais surtout francilien du recyclage des matériaux de travaux publics avait ouvert en 2008, à Lagny-sur-Marne (77) sa première déchèterie destinée à accueillir les artisans. Le principe était simple puisqu'il consistait à offrir à ces derniers la possibilité de déposer leurs déchets de chantier sans perte de temps, avec des plages horaires importantes et un minimum de formalités. En outre, au-delà de la simple déchèterie, l'artisan pouvait repartir en s'étant approvisionné en matériaux naturels ou recyclés, en vrac ou en big-bag, d'où cette notion "d'espace artisan".

93 + 94 + 77 = stratégique

Comme l'explique François Przybylko, le directeur commercial, le projet de créer un nouvel espace artisan à Émerainville (où existe déjà une grosse installation de traitement de déchets du BTP) est venu du fait que Lagny-sur-Marne était arrivé en vitesse de croisière et que la situation géographique privilégiée d'Émerainville offrait de nouvelles opportunités. On est en effet ici en limite de la petite couronne de la région parisienne et de trois départements (Seine-et-Marne, Val-de-Marne, Seine-Saint-Denis), à deux tours de roue de la Francilienne et de l'autoroute A4. À cela s'ajoute que, dans les trois départements déjà cités, plus de la moitié des déchèteries communales (93 sur un total de 167 déchèteries) refusent de recevoir les déchets des artisans. Et ce pourcentage est en constante augmentation.
François Przybylko: offrir aux artisans
un exutoire simple et rapide
Il était donc logique de proposer à ces artisans, moyennant finance bien sûr, un exutoire où décharger simplement et rapidement leurs camionnettes pleines de déchets divers en restant dans la légalité et en perdant un minimum de temps.
La plateforme d'Émerainville a donc été réaménagée en conséquence afin de séparer le flux des camionnettes des artisans de celui des camions allant sur le centre de traitement. Le site est ainsi conforme aux normes de sécurité, notamment celles particulièrement draconiennes édictées en 2012.

Les clients arrivent

Ce nouvel espace artisan d’Émerainville devrait connaitre un certain succès compte tenu des résultats de son frère jumeau de Lagny-sur-Marne. Celui-ci enregistre, en moyenne, 30 nouveaux clients par mois. Selon les représentants d'Yprema, cette forte progression est due à la fois aux campagnes d'information auprès des municipalités et des artisans mais aussi, pour plus d'un tiers, au bouche à oreille. Actuellement, Lagny réceptionne chaque année 5.000 tonnes de déchets et vend, en "double fret", 1 500 tonnes de matériaux naturels et 1 000 tonnes de matériaux recyclés. Plus de 40 % des déchets réceptionnés sont des gravats propres et des terres qui sont recyclés et qui entrent dans le processus de production des matériaux recyclés. Les autres déchets sont repris par des spécialistes de chacune des filières (un gros centre Veolia Environnement est d'ailleurs implanté à 500 mètres du site d'Émerainville !).

Éric Massy-Delhotel

mercredi 11 juin 2014

Co-produits industriels : un statut de déchet discutable

Le 5 juin dernier, à l'École des Mines de Douai, l'Afoco (Association française des opérateurs sur co-produits industriels) organisait sa traditionnelle journée technique annuelle sur le thème des matériaux alternatifs industriels dans l'économie circulaire. On pourra bientôt retrouver sur le site de cette association technique (www.afoco.org) les principaux exposés présentés lors de cette journée mais la table ronde qui s'est tenue à cette occasion, animée par le journaliste Jérôme Bergerot, a permis aux différents intervenant de préciser leur pensée au sujet de l'actuelle et épineuse question de la sortie du statut de déchet. Et tout cela sans trop de langue de bois (recyclé).

Cette table ronde réunissait donc un "producteur", Daniel Richard, responsable Business Coproduits chez ArcelorMittal, un "transformateur et utilisateur", Didier Desmoulin, directeur technique dans le groupe Colas, un "prescripteur", Hervé Coulon, du Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) Picardie, et enfin Éric Seitz, senior VP pour l'Europe de l'ouest de Phoenix Services et vice-pdt de l'Afoco.

L'heure du laitier

Daniel Richard: On a l'impression d'entamer
un nouveau chemin de croix [photo EMD (c)]
Avant d'entrer dans le vif du sujet, Daniel Richard rappelait que la production d'une tonne d'acier génère 600 kilos de co-produits, donc de "déchets". Sur ces 600 kilos, 300 sont des déchets des haut-fourneau et 100 d'aciérie. Ce n'est pas négligeable et on comprend dès lors l'intérêt de valoriser ces co-produits et ces déchets plutôt que de les enfouir avec les coûts importants qui en découlent. La valorisation des co-produits et des déchets sur une usine comme Dunkerque représente une recette de 30 et 35 millions d'euros par an soulignait D. Richard. Ainsi, depuis de nombreuses années, l'industriel s'est inscrit dans cette valorisation des co-produits pour proposer des granulats de déchets. Il travaille dans ce domaine en collaboration avec divers organismes pour améliorer la qualité de ces "laitiers" de haut-fourneau et d'aciérie. Il a en outre initié une démarche qualité qui a permis d'aboutir à la publication d'un guide Setra (Service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements) consacré au sujet.
Autre point important, à partir de 2006, cette industrie est entrée dans la législation "Reach" européenne relative aux substances chimiques et ArcelorMittal comme d'autres sidérurgistes européens, a décidé d'y enregistrer les laitiers de haut-fourneau et les laitiers d'aciérie. Cette démarche d'enregistrement, D. Richard n'hésite pas à la qualifier de véritable chemin de croix avec des centaines de milliers d'euros dépensés pour chaque substance. "Alors, aujourd'hui, quand on remet sur pied une sortie du statut de déchet pour ces laitiers de hauts-fourneaux et ces laitiers d'aciérie, on a un peu l'impression d'entamer un deuxième chemin de croix" soupirait le représentant d'ArcelorMittal ajoutant qu'il se retrouvait à expliquer et à démontrer de nouveau les mêmes choses avec les pertes de temps et d'argent que cela implique.
Hervé Coulon: Ce n'est pas une raison pour se mettre
des freins économiques en plus [photo EMD (c)]
Aux yeux d'Hervé Coulon, l'harmonisation est nécessaire en matière de sortie du statut de déchet au niveau européen mais, précisait-il, "si l'on est conscient que l'on a intérêt à bien évidemment adopter et adapter au mieux la législation européenne, ce n'est pas une raison pour se mettre des freins économiques en plus" (au niveau franco-français).
Daniel Richard ajoutait un exemple simple et particulièrement parlant. Un sidérurgiste implanté à Gand exporte exactement les mêmes laitiers de haut-fourneau que ceux provenant du site de Dunkerque. Il expédie ainsi des bateaux outre-Atlantique sans aucune formalité à réaliser alors que le sidérurgiste français, à partir de Dunkerque, est astreint à une procédure administrative longue et complexe. "Sur certains pays qui sont en dehors de l'Europe, la complexité des dossiers à réaliser est décourageante et on se trouve donc face à des freins administratifs dont l'origine est purement franco-française" regrettait le responsable d'ArcelorMittal.

Y croire ou pas ?

Éric Seitz est quant à lui "transformateur", sa société Phoenix Services traite aussi bien les laitiers de haut-fourneau que les laitiers d'aciérie. Il vend ces laitiers depuis de très nombreuses années et, bien qu'ils soient étiquetés "déchets", cela ne lui posait pas de problèmes particuliers jusqu'à aujourd'hui. Mais "si l'on va vers un statut de produit, il faut savoir ce que cela va nous apporter et changer pour nous. Les coûts de mise sur le marché seront-ils à la baisse grâce à une diminution des exigences de suivi des matériaux ou à la hausse ?" s'interrogeait É. Seitz avouant que, finalement, à l'heure actuelle, sa profession serait plutôt sur une position attentiste.
Eric Seitz: Il faut savoir ce que cela va nous apporter
[photo EMD (c)]
Et celui-ci d'ajouter que si généralement les laitiers de haut-fourneau ne présentent pas aujourd'hui de problèmes particuliers de commercialisation, il n'en reste pas moins vrai que certains laitiers issus du convertisseur rencontrent plus de difficultés.
Didier Desmoulin insistait de son côté sur une vision un peu plus globale vis-à-vis des matériaux dits alternatifs. Dans ce domaine, la principale ressource est constituée par les déchets du BTP. Le texte sur la sortie du statut de déchet qui est proposé actuellement et qui n'est pas encore sorti n'est pas totalement satisfaisant aux yeux du directeur technique de Colas car il va restreindre l'usage de ces produits : "Cela veut dire que, quelque part, on laisse une bonne partie du gisement de l'autre côté de la barrière". D. Desmoulin ajoutait : "Aujourd'hui, on se débrouille avec les co-produits dans une économie de système qui est ce qu'elle est. Nous avons fait des efforts très importants en tant que transformateur et applicateur au niveau des analyses environnementales. Des analyses, des procédures, des validations que nous supportons dans la majorité des cas". Alors, effectivement, si la sortie du statut de déchet lui assure que toutes ces analyses et ces procédures sont réalisées en amont chez le producteur de déchets qui va lui transférer au même prix le produit pour qu'il puisse effectivement le commercialiser… 'Pourquoi pas ? Mais on n'y croit pas".
Daniel Richard évoquait de son côté l'exemple du goudron qu'il commercialise à partir de trois cokeries en France (Dunkerque, Florange et Fos-sur-Mer). Ici aussi, suivant le statut de chacune de ces cokeries et alors qu'il s'agit du même goudron, il faut distinguer d'une part des produits (Dunkerque, Florange) alors que pour Fos il s'agit d'un déchet ! En Europe, ce goudron est vendu aux quatre clients présents sur le marché au même prix qu'il soit déchet ou produit. Ainsi, souvent, dans ce domaine, c'est le marché qui va autoriser ou piloter l'économie de la filière. "Il faut donc que dans cette filière il y ait un équilibre gagnant-gagnant entre le producteur, le transformateur et l'utilisateur" insistait le représentant d'ArcelorMittal. Que va-t-il se passer dans cinq ans si l'on adopte ce nouveau statut de produit ? Celui-ci ne pense pas que cela va faire bouger les lignes. La sortie du statut de déchet pour le producteur est avant tout une simplification au niveau administratif concluait D. Richard, expliquant que la problématique n'est pas la même sur les laitiers de haut-fourneau et sur les laitiers d'aciérie puisqu'il est possible d'exporter à grande distance les premiers alors que pour les seconds il s'agit plutôt d'une économie locale.

Impôts à la décharge

Didier Desmoulin: Arrêtons de mettre les impôts
à la décharge [photo EMD (c)]
Didier Desmoulin insistait à nouveau sur le fait que le gisement principal de matériaux alternatifs dans les entreprises de travaux public était tout de même celui des déchets du BTP : "Les matériaux alternatifs pour nos besoins dans le bâtiment, c'est environ 220 Mt par an et c'est à peu près 15 % des besoins qui sont couverts actuellement par des matériaux alternatifs. Dans ces 15 %, les laitiers doivent représenter de 3 à 4 %. Quelques autres matériaux viennent s'ajouter mais, globalement, on trouve donc en premier les déchets de BTP puis les matériaux issus de la sidérurgie". Et voici que le texte d'arrêté de sortie du statut de déchet, qui a représenté pour Colas et les autres entreprises du secteur nombre de réunions de travail et des investissements en temps et en hommes, va laisser les deux tiers du gisement avec le statut de déchet… Non seulement un certain nombre de matériaux vont rester avec le statut de déchet avec tout ce que cela implique mais cela va aussi pousser à faire du tri pour réaliser une sur-qualité d'un côté et du déchet ultime d'un autre côté. Tout cela alors que, pendant deux ans et demi, les entreprises ont mis tous leurs efforts pour arriver à sortir un document qui permette effectivement une juste utilisation du produit dans un contexte de scénario. "Alors, finalement, je suis plus un partisan de l'attente pour arriver à quelque chose de plus pragmatique que ce texte qui risque de nous enfermer dans un carcan dont il sera difficile de sortir" se résignait D. Desmoulin ajoutant que cela allait peut-être modifier les équilibres économiques. En effet, dans les matériaux alternatifs, à qui on reproche souvent d'être au même prix que les matériaux primaires, on oublie les frais d'enfouissement évités. "Dans ce prix des matériaux alternatifs, il y a également tout ce que la société s'économise comme frais de mise en décharge: arrêtons de mettre les impôts à la décharge" lançait le directeur technique de Colas.

Responsables mais…

Enfin, restait à évoquer l'aspect de responsabilité du producteur dans le cadre de cette sortie du statut de déchet. Pour Éric Seitz, c'est l'un des sujets d'interrogation de cette transformation du déchet vers le produit. Aujourd'hui, le producteur du déchet reste in fine responsable en cas d'atteinte à l'environnement. Demain, un changement vers un statut de produit fera qu'il y aura une coupure mais reste à savoir à quel niveau celle-ci se fera. Au niveau du transformateur ? Du maître d'ouvrage ?
Daniel Richard croit de son côté que l'important n'est pas là. Quand il y a un problème environnemental ou lié à un co-produit, une substance, c'est souvent le producteur, le plus gros, qui aura la responsabilité aux yeux de l'opinion publique en général : "Je pense que, quel que soit le statut, déchet ou produit, si demain il y avait un problème lié à l'environnement, l'intérêt médiatique se porterait automatiquement sur le principal opérateur".
Didier Desmoulin estimait quant à lui que, dans le développement durable de l'entreprise, l'utilisateur fait attention à ce qu'il met en œuvre. Aujourd'hui, les guides tels qu'ils sont rédigés permettent d'avoir une méthodologie qui rassure et établit les responsabilités. "De fait, il y a un certains nombre de matériaux alternatifs que je ne prends pas dans mon entreprise mais je peux faire ce choix car il existe maintenant bien plus de possibilités qu'il y en avait voici une vingtaine d'années" précisait-il en guise de conclusion.
On le voit, le débat est loin d'être clos mais ce qui ressort de ces prises de parole c'est le sentiment pour les industriels concernés qu'il serait préférable de remettre sur le métier l'ouvrage "sortie du statut" plutôt que d'aboutir à une réglementation inadaptée aux réalités du terrain. À suivre…

Éric Massy-Delhotel

dimanche 18 mai 2014

Matériaux alternatifs et économie circulaire: journée technique Afoco à Douai le 5 juin

Voici un peu plus de vingt ans naissait l’Association française des opérateurs sur co-produits industriels, l'Afoco. Fondée au départ par quatre entreprises spécialisées dans la récupération et le traitement des sous-produits de l’industrie, l'association fédérait déjà en 1998 une dizaine d’opérateurs qui assuraient alors la récupération et le traitement d’environ 80% des laitiers sidérurgiques en France, ainsi qu’un certain nombre d’autres co-produits, dont les schistes houillers et quelques autres. La bataille pour faire revenir des déchets dans le circuit des matériaux routiers et de construction se dessinait en cette fin de 20e siècle.
Michel Gitzhofer (Eurogranulats), président de l'Afoco:
un gisement annuel de plus de dix millions de tonnes
C’est alors qu’Afoco prenait l’initiative d’organiser la première conférence européenne sur les laitiers à Marseille. Une manifestation qui eut un grand retentissement bien au-delà des frontières du Vieux Continent et qui fut à l'origine de la création d'Euroslag, organisme européen fédérant les différentes associations nationales. Euroslag, dont Afoco est donc un membre fondateur et influant, continue le cycle des conférences européennes biennales dont la dernière a eu lieu à Ijmuiden, aux Pays-Bas, à l’automne dernier.

10 millions de tonnes par an

Comme l'explique Eric Seitz (Phoenix Services France), vice-président de l'Afoco, les rôles et les relations entre sidérurgistes, opérateurs et utilisateurs des co-produits ont évolué au cours de ces deux décennies pour une plus grande efficacité de la filière. Une filière qui, tout de même, représente un gisement annuel de plus de dix millions de tonnes comme le précise le président de l'association Michel Gitzhofer (Eurogranulats).
Eric Seitz (Phoenix Services):
améliorer l'efficacité de la filière et inhiber les réticences
En France, Afoco poursuit ses actions d’information et de promotion des produits et matériaux alternatifs en mettant l’accent sur l’évolution des techniques et sur les réalisations marquantes dans ce domaine. Le défi est de sensibiliser les administrations et les entreprises dans l’ensemble des régions. C'est dans ce cadre que des journées techniques et d’information ont été organisées à  Douai (2008), Marseille (2011), Paris (2012) et Metz (2013).
Aujourd'hui, l'association compte 18 sociétés adhérentes dont les champs d’activité recouvrent les co-produits de la sidérurgie et de la métallurgie, les résidus miniers (du charbon et de la bauxite), les cendres de centrales thermiques et d’usines d’incinération, les déchets de la verrerie (réfractaires usés), etc. Poursuivant la tradition, elle organise le 5 juin prochain à l'École des Mines de Douai une journée sur le thème : "Construire une économie circulaire avec les matériaux alternatifs industriels" dont le programme détaillé est disponible à l'adresse suivante http://www.afoco.org/actualite.php?actualite=18
Si vous doutez que mouvements alternatifs et circulaires combinés peuvent faire du déchet un produit, un petit tour par Douai le 5 juin prochain pourrait vous convaincre !


Éric Massy-Delhotel