Traitement de l'eau
Aqualter Step by Step
Issu du
rapprochement des sociétés Alteau et Ternois, bien connues respectivement dans
le monde de l'eau potable et du traitement des eaux usées, Aqualter connait un
développement relativement spectaculaire dans un contexte pourtant difficile.
Le récent (et gros) contrat gagné pour le traitement des eaux usées de
l'agglomération de Chartres était l'occasion de mieux faire connaissance.
Loïc
Darcel : On ne peut exister dans ce métier dominé par de grands groupes
expérimentés et solides financièrement que si l'on apporte un plus et de la
qualité à chaque fois [Photo Éric Massy-Delhotel]
Comme
l'explique, Loïc Darcel, le président d'Aqualter, dans ses bureaux de Chartres,
l'objectif qui guide son entreprise est d'être présent et efficace dans les
secteurs de l'eau potable et des eaux usées, tant au niveau de la
conception-construction que de l'exploitation. La synergie créée par le
rapprochement entre Alteau, plutôt spécialiste dans l'exploitation de l'eau
potable, et de Ternois, réputée pour son savoir-faire dans la construction de
stations d'épuration (Step) a permis de faire progresser les deux entités là où
il le fallait.
La consécration de 2013
Finalement,
l'année 2013 concrétise en beauté cette volonté et marque une nouvelle étape grâce
aux deux grosses affaires remportées ces derniers mois. La première concerne le
marché de la nouvelle station d'épuration de Chartres (160 000 équivalent
habitants) et de celui de Papeete. "Ce
sont des illustrations concrètes de notre stratégie, des contrats pour lesquels
nous avons obtenu à la fois la construction et l'exploitation" se
félicite le président qui ajoute que, au cours des trois dernières années, il
s'est efforcé de structurer son entreprise pour faire face à ce développement et
avoir le personnel nécessaire à la direction de l'ensemble.
Cependant,
les difficultés existent. "Notre
environnement est un peu compliqué" euphémise L. Darcel. Le marché de
la construction s'est ainsi écroulé de 30 à 40 % en deux ans pour des
raisons qui tiennent à la fois au fait que
les grands programmes d'investissement (mises aux normes) dans le domaine du
traitement de l'eau et de l'épuration ont été à peu près achevés et aussi à la
crise financière que traversent les collectivités. C'est une crise très dure
que vit aujourd'hui la profession de constructeur. Si 2013 devrait être
meilleure que 2012 (c'est une année préélectorale), l'industriel s'attend à ce qu'en
2014, après les élections, il n'y ait plus rien d'important à réaliser. En
revanche, un peu de soleil dans l'eau usée, le marché des petites stations est
en forte croissance et c'est un secteur sur lequel l'entreprise s'estime assez
bien placée.
Côté
exploitation de l'eau potable, il existe une forte concurrence depuis trois ou
quatre ans. Concurrence d'une part des régies qui séduisent les grandes villes
(Paris, Bordeaux, Nice,…) et qui crée une pression sur le marché. En effet, les
grands groupes avaient en quelque sorte des "vaches à lait" qu'elles perdent
en partie… ou gardent en acceptant une forte réduction de leurs marges. Il leur
faut chercher ailleurs et le phénomène redescend en cascade sur les PME du
secteur. D'autre part, la Saur, qui a été reprise voici quelques années, a passablement
secoué le marché avec une forte agressivité sur les prix. À cela s'ajoute une
baisse des volumes facturés avec des clients qui font de plus en plus attention
à leur consommation. Malgré tout, L. Darcel estime que l'on devrait s'orienter
vers une stabilisation des prix avec la disparition de quelques acteurs dans la
foulée. "Mais on ne vivra jamais
plus l'âge d'or qu'ont connu les grands groupes" s'empresse-t-il
d'ajouter.
Une place originale
Dans
ce contexte difficile, Aqualter revendique une place originale tout en lorgnant
sur des places à prendre. De fait, si les grands groupes comme on vient de le
voir connaissent des difficultés en général (financières, d'image, de
notoriété,…), on constate que les petites et moyennes collectivités clientes
cherchent aujourd'hui autre chose qui ressemblerait plutôt à ce que propose la
PME dynamique. Les régies sont certes intéressantes et attractives
politiquement mais surtout pour les grandes métropoles…
La future station de
Chartres [document Aqualter]
Alors,
dans le détail, c'est quoi Aqualter au juste ? Dans le domaine de la
construction de stations d'épuration, l'entreprise a une bonne notoriété avec
42 ans d'expérience et 800 références et donc une très bonne expérience. Parmi
ces références, le président se plait à citer celle réalisée avec Danone en
Russie qui a été pour lui une très bonne affaire puisqu'elle lui a permis notamment
d'avoir les fonds propres suffisants pour reprendre Ternois ! "Quoiqu'il en soit, on ne peut exister dans
ce métier dominé par de grands groupes expérimentés et solides financièrement
que si l'on apporte un plus et de la qualité à chaque fois" insiste L.
Darcel.
En
exploitation de l'eau potable aussi l'image de qualité est l'atout de la
société qui estime avoir dans ce domaine une technicité supérieure aux autres
PME pour deux raisons. En premier lieu, elle dispose d'un outil technologique
informatique qui lui permet de se différencier et de proposer des solutions
innovantes dans le métier de la distribution d'eau potable. Il y a aussi le
bureau d'études d'Aqualter Construction qui développe un savoir-faire rarement
présent dans les autres PME. "Quand
on est en discussion avec un élu et que nous lui proposons de s'occuper de ses
ouvrages, de ses réseaux, de ses usines, le fait d'avoir toute cette expérience
acquise en interne est véritablement un point fort" fait remarquer L.
Darcel. Couche de peinture rose supplémentaire, son entreprise n'a plus de gros
renouvellements à entreprendre sur ses contrats, ce qui lui confère une
position relativement confortable. Sans oublier bien sûr les deux grosses
affaires de Chartres et Papeete qui constituent pour Aqualter de véritables "boosters".
Enfin, on notera au capital de la PME la présence de la Caisse des Dépôts, ce
qui l'assoit financièrement et qui lui permet de répondre sans états d'âme aux sempiternelles
craintes des collectivités sur la pérennité de la société.
Pouvoir d'attraction
Aqualter
est donc présent dans les deux métiers de la construction et de l'exploitation,
tant dans l'eau potable que dans le traitement des eaux usées. Inversement, par
rapport aux grands groupes, la PME a l'avantage de la proximité avec les
clients de taille moyenne. "Chez
nous, le commercial côtoie le bureau d'études et le dialogue est permanent"
détaille le président. Enfin, cette croissance quasi-insolente dans un métier
en crise est un point fort, notamment pour attirer des compétences. Avis aux
candidats !
Tout
cela pour aller où ? Dans les bureaux de Chartres, on sent une réelle
volonté de prendre le virage de l'export (Afrique, Turquie,…) face à un marché
français relativement complexe. Il s'agit aussi pour Aqualter de continuer à
développer ses propres produits en s'appuyant notamment sur les synergies entre
construction et exploitation. Et Loïc Darcel de conclure : "L'état d'esprit est aussi une chose
importante et, en cela, notre culture de PME est particulièrement forte. Tout
cela se traduit dans nos objectifs puisque, aujourd'hui, nous sommes à 60
millions d'euros de chiffre d'affaires et que nous visons 90 millions en 2015.
Sur ces 90 millions, nous avons aujourd'hui 75 % de certain". Pas
de commentaire !
Un sécheur sachant sécher
Cette
rencontre avec les responsables d'Aqualter a également permis de faire un petit
détour sur le site de Gallardon, près de Chartres, où vient d'être mise en
service une Step de 5 800 équivalent habitants. L'occasion pour Thierry
Poveda, le directeur technique d'Aqualter, de présenter le procédé Tersolair de
séchage des boues en application sur cette station ainsi que celui
d'hygiénisation de ces boues qui sera mis en service pour la première fois sur
la future Step de Papeete.
Thierry
Poveda : Tersolair est aujourd'hui implanté sur une quarantaine de
stations d'épuration en France [Photo Éric Massy-Delhotel]
Dans
une station d'épuration, autant la filière eau est relativement classique quelle
que soit l'installation, autant la filière boue peut opter pour des solutions
diverses et variées. Plusieurs solutions (épaississement, déshydratation
mécanique, séchage,…) existent au catalogue. Pour le séchage, Aqualter propose
ainsi une solution qui met en œuvre pour tout ou partie l'énergie solaire. Ces
boues liquides, pâteuses, chaulées ou séchées doivent en effet être évacuées.
Pour cela, en France, on met en œuvre trois systèmes. Il y a d'abord la mise en
décharge en centre d'enfouissement technique de boues à 30 % de siccité
mais cette solution sera bientôt prohibée. Il y a ensuite l'incinération mais
surtout l'épandage puisque aujourd'hui, en France, 75 % des boues sont
épandues en agriculture. Chaque système a aussi son coût avec 35 euros par
mètre cube pour l'épandage contre 150 euros pour l'incinération ou la décharge.
Ainsi, en fonction du type d'évacuation, les coûts sont très variables. En
outre, comme il s'agit de coût au mètre cube, la concentration de ces boues est
aussi très importante.
Le
système de séchage proposé par Aqualter et baptisé Tersolair est aujourd'hui
implanté sur une quarantaine de stations d'épuration en France. Il a été étudié
bien sûr pour réduire ces volumes de boues, obtenir une boue particulièrement
bien stabilisée avec des coûts d’investissement et d’exploitation nettement
inférieurs aux sécheurs thermiques. Il s'agit finalement d'une solution adaptée
à des collectivités petites et moyennes qui en outre préserve l’avenir en
offrant la possibilité d’évacuation multi-filières.
80 % de siccité
Dans
ce système, les boues sont d'abord déshydratées par centrifugation dans une
installation annexe puis dirigées dans une serre en polycarbonate où elles sont
étalées régulièrement en tapis par un système de vis sans fin sur un pont
roulant afin de réaliser un andin très régulier. Le pont roulant étale la boue
sur une très faible épaisseur d'une dizaine de centimètres et ce même pont va
venir travailler la boue grâce à un outil de retournement, sorte de racleur
tournant. La boue est ainsi retournée toutes les deux heures pour éviter un
début de fermentation. L'outil de retournement est aussi équipé de ventilateurs
embarqués qui soufflent l'air en amont du pont roulant pour améliorer l'effet
de séchage. Le système est totalement automatisé de telle manière que, quand
les boues sont à la siccité souhaitée, celles-ci sont poussées par le pont dans
une fosse située en bout de sécheur.
Pour
continuer à sécher les boues en période hivernale, le système utilise un
plancher chauffant alimenté par une pompe à chaleur qui récupère des calories
sur l’eau de sortie de la station d’épuration. Ce chauffage prend ainsi le
relais de l’ensoleillement lorsque celui-ci est insuffisant.
Les
boues centrifugées qui entrent dans la serre sont à 20 % de siccité pour
arriver à 80 % en sortie de sécheur. La boue séchée produite par le
système représente, selon T. Proveda, un énorme progrès si on la compare à une
boue déshydratée classique (quatre fois moins de volume, pas d’odeur, pas
d’évolutivité, grande acceptabilité sur les différentes filières…). Malgré
tout, cette boue reste, au titre des règlementations en vigueur, classée comme
un déchet avec toutes les contraintes d’élimination que cela implique.
Hygiénisation près des lagons
À
ce stade, l’objectif du procédé baptisé Tersolyge est de faire passer cette
boue du statut de déchet à celui de produit. Il s’agit ainsi de pouvoir
homologuer la boue hygiénisée en tant que matière fertilisante et plus
précisément en tant qu’engrais. Une fois cette homologation obtenue, la boue devient
un produit facilement valorisable. Il peut par exemple être utilisé comme
engrais sur les espaces vert communaux, mis à disposition des administrés ou
encore commercialisé dans les circuits agricoles.
Pour
obtenir cette homologation il faut satisfaire deux critères. Tout d'abord un
critère d’efficacité. Pour une matière fertilisante, il faut ainsi prouver que
le produit est capable d’amener aux terrains une quantité minimale d’éléments
tels que l’azote ou le phosphore. Ensuite un critère d’innocuité. Il faut
démontrer que le produit ne présente de danger ni pour l’homme, ni pour les
animaux, ni pour l’environnement. Ce critère est analysé au niveau de trois
sous-critères que sont les teneurs en "éléments traces métalliques",
les teneurs en "composés traces organiques" et enfin les
micro-organismes pathogènes.
Le
critère d’efficacité est respecté sans problème par les boues séchées issues de
stations d’épuration urbaines. La teneur en azote et en phosphore de ces boues
est, en effet, très intéressante pour les terrains agricoles. Le critère
d’innocuité est également respecté sans problème pour les éléments traces
métalliques et composés traces organiques. En revanche, il ne l’est absolument
pas pour les micro-organismes pathogènes ! Les seuils fixés pour les
teneurs en micro-organismes pathogènes sont de fait très largement dépassés sur
les boues séchées.
C'est
ici qu'intervient le procédé. Il s'agit de chauffer les boues à une température
de 95°C pendant 5 à 6 heures en utilisant une vis chauffante électrique. Une
première installation de séchage/hygiénisation a ainsi été vendue pour la
station d’épuration de Papeete dont le contrat a récemment été signé. Il faudra
donc attendre encore un peu pour tirer les premières conclusions sur ce type
d'installation. Une vérification sur place s'impose !
Éric Massy-Delhotel
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire