Marché minier
mondial
La part du dragon
Lors du dernier atelier
d’information sur les perspectives du secteur minier dans le monde organisé par
Ubifrance (agence française pour le développement international des entreprises
www.ubifrance.fr), Christian Hocquard, de la direction des géoressources du
BRGM a présenté un panorama du secteur. Ses éclaircissements ont notamment
permis de mieux comprendre les grands enjeux de la prochaine décennie.
Pour le représentant
du BRGM, aujourd'hui, c'est une évidence, l'enjeu peut se résumer dans cette
proposition : "la Chine face au reste du monde". La croissance
de la demande en matières premières est due à la Chine qui devient très
dépendante des matières premières. Le pays se trouve actuellement dans une
deuxième grande phase d'urbanisation et d'industrialisation, non plus cette
fois sur la côte mais dans les grandes villes de l'intérieur du pays.
La Chine
consommera bientôt quasiment la moitié de l'ensemble des matières premières
consommées dans le monde. Pour le minerai de fer la barre est déjà dépassée
avec près de 66 % et c'est même 72 % pour le ciment. La demande est
considérable et le pays tire à lui seul la croissance de la demande mondiale. Les
cours sont montés à leur plus haut historique, tout cela très rapidement. Toutefois,
cette hausse brutale est aussi due à la financiarisation des matières premières
minérales avec des fonds d'investissement qui ont considéré les commodités
comme une nouvelle classe d'actifs… jusqu'à l'effondrement des cours lors de la
crise de septembre 2008. Le ralentissement chinois est l'un des points clés
bien qu'il faille relativiser. Certes, la Chine connait un certain ralentissement
de sa demande en matières premières mais cela n'empêche pas cette demande d'être
toujours significativement en hausse.
Mais bien
plus que le ralentissement chinois, ce qui a conduit à cette baisse des cours
des matières premières (un peu moins pour le cuivre) est le fait que les
sociétés minières et les multinationales ont considérablement investi dans de
nouveaux projets mis aujourd'hui en production alors que, pour la
quasi-totalité des matières premières, on est en période de surplus avec des surcapacités
notables et des stocks importants. Ce sont essentiellement ces surcapacités qui
tirent aujourd'hui les cours à la baisse.
Alors, malgré
la reprise cyclique actuelle comme c'est le cas aux États-Unis, on peut
s'attendre à ce que les prix des matières premières minérales stagnent
probablement au moins jusqu'en 2016 à l'exception de certaines substances pour
des raisons conjoncturelles. Mais c'est surtout le cours du minerai de fer,
avec les nouvelles capacités mises en œuvre notamment en Australie et au
Brésil, qui risque de chuter de manière sensible. Que va-t-il se passer lorsque
le cours du minerai de fer sera autour de 100 dollars par tonne ? D'importants
bouleversements sont à prévoir du côté des projets d'exploitation de minerais
de fer africains.
Aujourd'hui,
avec ce ralentissement et les surplus, les sociétés minières reconsidèrent
l'ensemble de leurs projets miniers. La remise en cause va très loin et c'est
un coup très brutal.
Face à cela,
ce que veut faire la Chine, c'est contrôler les marchés. Elle veut ainsi avoir
ses propres places de marchés. Elles sont en constitution et commencent à
fonctionner dans le pays. Ceci ira de pair avec la convertibilité du Yuan de
telle sorte que demain, en 2020 ou même avant, les prix des matières premières
se décideront en Chine.
Quoiqu'il en
soit, avec le départ massif des fonds d'investissement du secteur des matières
premières minérales, on assiste à un retour à des fondamentaux cycliques de
l'offre-demande-stocks pour la formation des prix. Suite à l'arrêt massif des
investissements miniers des majors occidentales, les sociétés minières et
métallurgiques chinoises et indiennes demeurent les seuls investisseurs
potentiels. Le secteur minier va ainsi se développer autour de ressources de
plus en plus politisées avec des prix de plus en plus proches des planchers
dictés par les coûts de production les plus performants. Finalement, l'arrêt
massif des investissements prépare le prochain déséquilibre offre-demande pour
2020, voire la seconde moitié de cette décennie.
Éric Massy-Delhotel
NB
– Un article plus détaillé sera publié dans un prochain numéro du magazine
Mines & Carrières édité par la Société de l'industrie minérale (Sim)
www.lasim.org